Recherche Publié le 07/02/2024

Le cercle fermé des fellows de l’Institute of electrical and electronics engineers (IEEE) vient d’accueillir deux nouveaux membres issus de laboratoires CNRS : Sophie Tarbouriech du Laboratoire d’Analyse et d’Architecture des Systèmes (LAAS - CNRS) et Antoine Girard du Laboratoire des signaux et systèmes (L2S - CNRS/CentraleSupélec/Univ. Paris-Saclay). Deux scientifiques qui ont récemment entamé une collaboration pour relier la théorie du contrôle à l’IA.

Antoine Girard étudie les systèmes cyberphysiques. Il s’agit d’appareils augmentés par des dispositifs de calcul et de communication. « On les reconnaît car on leur ajoute souvent l’adjectif "intelligent" : véhicules et bâtiments intelligents, smartgrid, etc., explique-t-il. Ces augmentations les rendent autonomes, capables d’évoluer dans des environnements dynamiques et incertains. »

Le chercheur apporte ici une approche formelle à la conception de ces systèmes, en offrant notamment des preuves mathématiques de leur bon fonctionnement sous des contraintes critiques. Ces garanties de sûreté peuvent aussi bien concerner un véhicule autonome qui chemine au milieu de la circulation, que des réseaux intelligents qui intègrent des sources d’énergie intermittentes et renouvelables. Antoine Girard affine pour cela des modèles mathématiques, puis développe des algorithmes chargés de vérifier si les propriétés recherchées sont bien respectées.

Antoine Girard a développé des méthodes pour calculer, en fonction de son état initial, l’ensemble des états qu’un système peut atteindre et s’assurer que cela n’englobe pas de situations dangereuses. Antoine Girard explore également la conception de systèmes dits corrects par construction, c’est-à-dire qui contiennent dès le départ les garanties souhaitées pour l’exécution d’une tâche prédéfinie.

De son côté, Sophie Tarbouriech est directrice de recherche CNRS au LAAS-CNRS. Elle travaille en théorie du contrôle, avec des contributions sur l’analyse et la synthèse de contrôleurs pour les systèmes non linéaires, en particulier sur ceux possédant des non-linéarités isolées telles que les saturations d’actionneurs. Plus concrètement, il s’agit d’étudier le comportement d’un système contrôlé lorsque les signaux, en entrée ou en sortie, sont contraints d’évoluer entre des limites minimales et maximales. Cela se retrouve dans tous les systèmes physiques, que ce soient des volets sur les avions, des débits de pompe ou des tensions délivrées par des sources d’énergie. Sophie Tarbouriech développe des conditions de test de stabilité de ces systèmes, car ces non-linéarités peuvent en compromettre le comportement attendu.

Bien que plutôt théoriques, ses publications ont trouvé des applications dans des domaines comme le contrôle de la profondeur des anesthésies ou dans les lois de pilotage des avions, avec la détection de bugs lorsque le pilotage automatique est enclenché à un mauvais moment. Sophie Tarbouriech a également travaillé sur les systèmes à réinitialisation, qui possèdent une boucle qui améliore le système chaque fois qu’elle se ferme. Elle s’intéresse désormais à l’analyse du comportement de systèmes hybrides, couplant dynamiques continues et discrètes, avec des applications sur l’analyse de lois de pilotage, pour lesquelles les contrôleurs changent selon le mode de vol de l’avion.

Ces deux lauréats se connaissent bien, car Antoine Girard et Sophie Tarbouriech se sont récemment mis à collaborer sur l’application de la théorie du contrôle à l’IA et, inversement, à l’IA appliquée à la théorie du contrôle. Ils ont même co-encadré deux postdoctorants.